Le loup dans l’Entre-Sambre-et-Meuse : un atout pour la biodiversité ?
« Le Petit Chaperon rouge, Les trois petits cochons, La chèvre de monsieur Seguin… Â l’image des contes traditionnels, le loup se traîne une très mauvaise réputation ! Victime de sa légende, ce mal-aimé joue pourtant un rôle important dans nos écosystèmes. »
Sébastien Lezaca-Rojas, chargé de mission au Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse, nous explique l’important défi de construire une coexistence apaisée avec ce canidé sauvage, essentiel dans la protection de la biodiversité.
Le loup, un animal qui dérange
Adulé dans la Rome antique, puis diabolisé à partir du Moyen Âge, le loup fait peu à peu son retour en Wallonie après avoir disparu de nos contrées depuis la fin du 19ème siècle. Et c’est peu dire que cela n’est pas vu d’un très bon œil étant donné le nombre impressionnant d’anecdotes, avérées ou non, tendant à noircir son image. « Même si le mythe du loup mangeur d’hommes est encore vivace, cet animal sauvage n’est pas dangereux pour les humains. En effet, le loup est de nature discrète et craintive vis-à-vis de l’Homme. À l’époque, il était chassé car il s’attaquait au bétail, et qu’il était dangereux lorsqu’il avait la rage... » En parallèle, et selon les statistiques du Réseau Loup sur ces 8 dernières années dans le sud de la province de Namur, davantage d’attaques sur troupeaux ont été commisses par des chiens que des loups ! Et puis, n’oublions pas que les chiens, nos principaux animaux de compagnie, sont les descendants directs du loup à la suite de plus de 35.000 ans de domestication !
Trois facteurs expliquent l’augmentation de la population lupine en Belgique à savoir : sa protection par la loi à l’échelle européenne, une augmentation du nombre de proies (sangliers, cerfs…) et la déprise agricole. Autre élément : la capacité de dispersion exceptionnelle du loup pouvant parcourir plus de mille kilomètres en quelques mois pour établir son territoire après avoir quitté sa meute. « Depuis 2018, ce canidé sauvage réinvestit graduellement la nature wallonne. Selon les statistiques du Réseau Loup, on compte actuellement trois meutes dans les Hautes Fagnes, à savoir 3 couples et leurs familles installés de manière permanente sur le territoire. » À la suite de cette recolonisation, et en réponse à la crainte des éleveurs, la Wallonie s’est dotée d’un plan pour une cohabitation harmonieuse avec le loup (Plan Loup) en juin 2020 avec plusieurs axes : renforcement de la protection de l’espèce, renforcement des mesures de détection du loup et du suivi des individus, l’élargissement des possibilités d’indemnisation, conseils de spécialistes, etc.
À noter qu’en respect de la directive européenne de la Convention de Berne, le loup est désormais une espèce hautement protégée depuis 1979. Un statut qui fait débat auprès des éleveurs car il représente une menace pour le bétail. « Je comprends tout à fait leurs craintes, ainsi que l’investissement coûteux pour des clôtures et autres systèmes de protection. Le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse a d’ailleurs en projet d’organiser une présentation sur les moyens de protection pour les éleveurs et les agriculteurs… »
Un animal essentiel dans la protection de la biodiversité
Bien qu’étant un prédateur opportuniste, le loup préfère naturellement le gibier : sangliers, chevreuils, cerfs, etc. « C’est assez bénéfique pour l’écosystème car cela engendre une meilleure répartition spatiale de ces grands ongulés dans la forêt, et ça favorise surtout la régénération naturelle des arbres et arbustes. »
À bien des égards, les loups régénèrent la forêt. On peut, à titre d’exemple, citer le parc national de l’Isle Royale (Michigan, États-Unis) où le loup gris a revitalisé tout un écosystème en étant bénéfique à plusieurs espèces. Sa capacité à chasser l’élan a modifié l’ensemble de l’écosystème. La diminution du nombre d’élans, gros mangeurs de végétation, a boosté la croissance de sapins baumiers, une espèce vitale pour la forêt. Celle-ci ayant engendré la pousse d’une myriade de plantes et d’espèces.
À ce titre, le Parc national de l’Entre-Sambre-et-Meuse, en collaboration avec l’Aquascope Virelles et Forêt & Naturalité, a organisé au mois de juin une conférence sur la place du loup dans notre écosystème. « Nous sommes bien conscients qu’une meute de loups peut s’établir dans le coin… Tout en sachant que le territoire d’une meute peut s’étendre d’une superficie bien plus grande que celle de l’unique Parc national de l'Entre-Sambre-et-Meuse. De plus, la Wallonie est une zone de passage, du fait de sa situation à la croisée des chemins de deux populations lupines, l’une en provenance d’Italie (remontant vers le nord à partir de la France), et l’autre de Pologne (en passant par l’Allemagne et les Pays-Bas). »
« Le but étant, sous la recommandation de la Région wallonne, et en partenariat avec les communes, le Réseau Loup et d’autres partenaires spécialisés, de tendre vers une cohabitation la plus harmonieuse possible avec le loup. Pour cela, il faut analyser ce qui cause les conflits, les pertes et réfléchir aux moyens les plus pratiques de les éviter... L’enjeu est énorme, et surtout très révélateur du lien que nos sociétés entretiennent avec la Nature ! »
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